Le Figaro, 31 mai 2001

Mardi soir, le programme comprenait deux moments essentiels de "La Tétralogie": premier acte de la Walkyrie et fin du Crépuscule des Dieux. Le premier a été illuminé par la présence de deux des plus grands chanteurs allemands, la soprano Julia Varady et la basse Kurt Moll. D'une exigence musicale et d'une beauté de timbre dignes d'Elisabeth Schwarkopf, la Sieglinde de Varady a ensoleillé la soirée. Le bon géant au visage d'enfant qu'est Thielemann s'est fait chevalier servant de Julia Varady qui a eu droit à un merveilleux tapis orchestral à la fois ondoyant et discret pour soutenir l'une des plus belles lignes de chant.
Kurt Moll est stupéfiant de simplicité et d'aisance: pour lui chanter et prononcer, c'est un tout. Son Hunding est un leçon de théâtre musical. Le miracle qui s'opère sous nos yeux, c'est l'osmose entre deux sublimes chanteurs porteurs d'une authentique tradition et d'un jeune chef qui a eu la sagesse d'apprendre son métier dans des fosses d'orchestre loin des feux de la rampe: exemplaire passage de relais. Le ténor danois Poul Elming, Parsifal attitré de Bayreuth, témoigne du manque cruel de ténors wagnériens sur la planète. Après avoir bien commencé, son Siegmund finit par fatiguer. Même le bel hymne au printemps n'accède pas au lyrisme qu'y mis Placido Domingo l'an dernier à Bayreuth.


Jacques Doucelin