Zum Liederabend am 13. August 1971 in Paris


Le Monde, 15. August 1971 

Dietrich Fischer Dieskau au Festival estival de Paris

Le récital de Dietrich Fischer-Dieskau présenté par le Festival estival, a réuni, dans le grand amphithéâtre de la faculté de droit, tout ce qui Paris peut compter au mois d’août de mélomanes : mille cinq cents ou plus, une salle presque comble. Le programme, assez inhabituel, était exclusivement c o n s a c r é des auteurs du XX. siècle : Schoenberg, Webern, Fortner et Berg.

Pour Fischer-Dieskau, les séparations des genres et des siècles semblent ne pas exister, si l’on en juge par l’aisance technique a v e c laquelle il les franchit. Son interprétation des œuvres contemporaines, en se fondant sur la connaissance approfondie d’un répertoire couvrant quelque quatre siècles, révèle la continuité de l’expression vocale dans son essence la plus lyrique. Dans les lieder de l’opus 2 de Berg, denses comme des opéras miniatures, ou dans les brèves mélodies de Webern, opus 3 et 4, a p p a r a î t, comme dans les modèles romantiques, cette même évidence dans la forme achevée.

L’art de la mélodie rejoint celui de la scène, mais comme un théâtre saisi dans un seul instant. Webern, en quelques vers tracés mélodiquement dans une partie instrumentale d’une s o u p l e s s e infinie, donne une représentation fugitive de l’univers d’un poète. Le piano n’est pas un décor, et Aribert Reimann, qui accompagne Fischer-Dieskau, parvient à rendre intelligibles les accents les plus secrets, les interrogations à peine murmurées, les ponctuations silencieuses.

Aux images crues et acides des interprétations traditionnelles de Webern, Fischer-Dieskau oppose une conception « théâtralisée » où le jeu musical se traduit par le langage. Dans les mélodies de Berg, beaucoup plus dramatiques (datant des mêmes années que les opus 3 et 4 de Webern), la voix se charge d’une émotion bouleversante dans un lyrisme grave et mesuré.

Schoenberg, tout au long de sa vie, n’a cessé de penser au problème de l’art vocal et ses trois premiers opus rassemblent des lieder. Les huit poèmes chantés par Fischer-Dieskau retracent plus de trente années de composition et c’est sans doute le témoignage le plus intéressant rendu par l’interprète. Car ces mélodies semblent liées à des périodes, à des préoccupations musicales, dont elles se dégagent difficilement. Le chromatisme du romantisme finissant ou l’atonalité de l’expressionnisme souffre du cadre étroit du lied, malgré l’extrême attention de Schoenberg à l’équilibre des formes. Verlassen reste pourtant un chant admirable, tout comme ces derniers lieder de l’opus 48, d’une économie surprenante devant tant de force musicale.

A côté des trois Viennois, Wolfgang Fortner, dont un recueil intitulé Tercets, composé en 1963, était inscrit au programme, a semblé quelque peu austère et académique en déprit du legato le plus souple que l’on puisse souhaiter dans une écriture en intervalles aussi l a r g e s . Les compositeurs les plus contemporains doivent quelquefois se résigner à faire figure d’épigones.

Louis Dandrel

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