CRITIQUES DE CONCERTS 01 juin 2001 Concert du Deutsche Oper de Berlin dirigé par Christian Thielemann, avec Julia Varady.Julia Varady offre une moitié de WalhallaAffiche plus qualléchante pour ce concert du
29 mai au Théâtre des Champs-Élysées,
puisquelle réunissait le jeune chef Christian Thielemann
et lune des dernières légendes des scènes
lyriques, Julia Varady. Mais on craignait aussi un désistement
de dernière minute de celle-ci, comme dernièrement
au Châtelet, une crainte à moitié fondée. Combien de baguettes célèbres se sont succédé sur lestrade de la Deutsche Oper de Berlin? Christian Thielemann, depuis 1997, est à la tête de lauguste maison qui vit passer Richard Strauss, Bruno Walter, Wilhelm Furtwängler, Ferenc Fricsay Cest en défenseur de la grande tradition allemande quil se pose, avec raison. Ce ne sont pas des sonorités quil cherche, mais bel et bien un son, profond, ample, physiquement puissant, quil fait monter et sépanouir petit à petit ; leffet de masse, toutefois, ne masque pas les détails et ne dilue pas les timbres dans lindifférence. Son Wagner est solidement charpenté, finement articulé, dramatiquement infaillible dans les extraits du Crépuscule des Dieux, avec cette hauteur de vue, cette force et cette énergie quont seuls les très grands chefs (une race qui, aujourdhui, se fait rare). Plus que le Lever de soleil, ce sont le Voyage sur le Rhin et la Marche funèbre qui impressionnent, par leur grandeur dépourvue demphase. Thielemann nest sans doute pas une référence absolue, notion parfaitement déplacée en musique où chaque interprétation qui fait date nest quun jalon, mais ce quil donne à entendre force le respect. De même Marilyn Zschau, vaillante soprano, spécialiste des rôles exigeant une indomptable endurance, et qui remplace Julia Varady dans la scène finale du Crépuscule, enlevée avec courage par une chanteuse qui paie comptant. Mais Varady na pas annulé le premier acte de La Walkyrie. Il faut vaincre les apparences (la stricte robe collet monté, les lunettes, le chignon) pour imaginer derrière laustère silhouette les émois de Sieglinde. Mais la technicienne est toujours sensationnelle et la musicienne, tenant compte de moyens aujourdhui réduits (ce qui sentend à peine) mais qui nont jamais été ceux dune wagnérienne, reste admirable. En quelques phrases, en quelques mesures, elle fait entrer la vie. Kurt Moll, vétéran très aimé, est encore un Hunding de grande classe. Le Siegmund de Poul Elming est loyal, mais sa justesse est souvent incertaine. Comment se fait-il, pourtant, que cet acte qui ouvre la soirée soit si décevant ? Lorchestre semble parfois lourd, le discours progresse lentement ; il faut, certes, ménager les chanteurs (la manière dont le chef soutient Varady est étonnante) mais comment peut-on croire en ces amants qui, séparés par lestrade, ne se regardent jamais ? Les applaudissements triomphaux qui salueront léquipe seront perturbés par quelques huées totalement imméritées. Javoue, pour ma part, être resté perplexe. La seconde partie, en revanche, nest pas avare de moments formidables, et donne envie de réentendre Thielemann.
Théâtre des Champs Élysées, Paris Le 29/05/2001 Michel PAROUTY Le Crépuscule des Dieux : Orchestre de la Deutsche Oper de Berlin |